#008 De 500 à 86 points de vente
L’univers de la mode, terrain de créativité, d’audace, et d’entrepreneuriat, a vu émerger dans les années 80 un foisonnement de marques, chacune portant son identité propre. Au cœur de cette effervescence, Kookaï a tracé son chemin avec une approche novatrice, ciblant la jeune fille en quête d’une mode accessible.
Au fil des années, Kookaï s’est imposée, étendue à l’international et diversifiée. Cependant, tout n’a pas été un long fleuve tranquille. Cette success story a connu des virages délicats, entre montée en gamme, concurrence féroce, et changements de cap. Explorez avec nous le parcours de Kookaï, de son essor fulgurant à ses désillusions.
Programme
- Introduction
- Les facteurs clés de succès
- Le succès en France et à l’étranger
- Les désillusions de la montée en gamme
- Conclusion
1 : Les facteurs clés de succès
Les caractéristiques de la réussite sont bien souvent les mêmes quelque soit le secteur d’activité. La commercialisation d’une offre sur un marché doit réunir un certain nombre de conditions optimales pour être considérée comme réussie. Il y a peu de hasard.
- Un élément de différenciation fort: un savoir faire, un produit iconique, un style
- De la notoriété
- Des fonds
- Une excellente expertise du marché : consommateur, concurrent, assortiment
- Une cible clairement définie
Au début des années 80, le secteur de la mode est un terrain de jeu idéal pour les entrepreneurs notamment dans le segment du milieu de gamme. La France est reconnue au niveau mondial pour ses marques de luxe historiques mais il n y a pas ou peu d’offres accessibles. La création de marques offrant de la mode à prix abordables est identifiée comme une excellente opportunité. Et plusieurs entrepreneurs se lancent dans l’aventure
Entre 1980 et 1985, plus de 10 marques françaises voient le jour
- San Marina
- La Halle (aux chaussures)
- Kookaï
- (Maison) 1 2 3
- Camaïeu
- Sandro
- Claudie Pierlot
- Princesse Tam-Tam
- Jennyfer
On peut alors considérer la France comme un vivier de marques à succès. Chacune de ses marques va connaître des années de forte croissance sur l’hexagone et à l’international
Kookaï se démarque par un positionnement stratégique audacieux. L’ambition initiale de la marque est de proposer des articles en maille colorée à prix abordable pour une cible de jeune fille. Cette ambition clairement affichée ressemble à une fausse bonne idée. Pourquoi s’obstiner à choisir un segment de marché aussi précis et petit ?
Le pari est de satisfaire les attentes du clientèle délaissée par la concurrence en proposant une offre spécifique. La définition du marché de niche par excellence. Il est plus aisé de devenir le leader, la marque de référence sur un segment de marché peu concurrentiel.
Ici, on peut comprendre la volonté d’adresser le segment de la jeune fille pour se différencier de la concurrence.
Mais pourquoi se limiter à la maille ?
Les pièces du haut en maille sont les articles que l’on renouvelle le plus souvent, ce sont aussi les articles les moins chers comparés aux autres familles de produits telles que grosses pièces ou pièces du bas. Ce choix stratégique permet à la marque de maintenir un niveau de prix moyen abordable.
La marque est lancée par 3 amis en 1983 qui ont un sens aigu de la communication. Ils osent des parti pris forts qui permettent de développer la notoriété de la marque en un temps record.
En 1987, la cliente Kookaï est présentée comme une lolita impertinente qui a les pleins pouvoirs. Une représentation moderne et provocante de la jeune fille qui marque les esprits et séduit la clientèle visée
Les ambitions de Kookai semble illimitées. Le Groupe André acquiert 50% de la marque en 1990 pour accompagner son développement.
2 : Le succès en France et à l’étranger
La marque enchaîne les succès de façon insolente. Tous les leviers de croissances sont identifiés et actionnées
- Extension de gamme : Femme, Homme, Enfant, Parfum, Lingerie et des licences ( en papeterie notamment)
- Développement international : En 1999, la marque compte 400 magasins à l’étranger et une centaine de boutiques et succursales en France. La perception de la marque à l’étranger est qualitative car le déploiement des boutiques est organisé par des master-franchisé par pays qui sont garants de la cohérence de l’intégralité des points de vente.
La marque jouit d’un certain prestige haut de gamme hors de l’hexagone et réalise 75% de ses ventes à l’export. Fort de ce constat, les dirigeants décident de monter en gamme et de s’éloigner du positionnement historique qui avait le succès de la marque à son démarrage.
En 2000, Kookaï vise une femme plus âgée et un concept de magasin épuré. Des investissements importants sont réalisés pour transformer le parc de magasins français. Des boutiques sont fermées en centre commerciaux et d’autres sont ouvertes en centre ville, une attention particulière est apportée aux nouveaux emplacements choisis.
En 2006, le Groupe André devenu Vivarte acquiert 100% de la marque.
En 2008, le site internet est lancé
En 2010, la marque a 25 ans et 500 magasins. Son chiffre d’affaires est en croissance depuis 5 années consécutives.
Rien ne peut laisser présager les difficultés à venir
3 . Les désillusions de la montée en gamme
Dans les années 2000, on assiste à la création d’un nouveau segment de marché: le luxe accessible. Un concept marketing stratégiquement pensé pour cibler une clientèle en quête d’un style recherché et d’un niveau de qualité élevé. L’expérience magasin est soignée et reprend les codes des marques de luxe. Les concepts de magasins sont situés en centre ville dans les quartiers chers des grandes villes.
Dans les grands magasins, un espace est dédié à ce segment de marché premium “canada dry” qui réunit tous les codes du luxe sans le prestige des défilés et des égéries super stars. Au moment des Fashion Week à Paris, les espaces publicitaires Decaux des abribus et des métros font toujours la part belle à LVMH et Kering. Sandro et The Kooples proposent des campagnes publicitaires ambitieuses qui viennent brouiller les codes aux côtés de Céline ou Saint Laurent.
Sandro, Claudie Pierlot, Maje, Comptoir des Cotonniers sont les pionniers du luxe accessible.
Ces marques ont un positionnement haut de gamme qui paraît légitime face à Kookaï. Elles pratiquent régulièrement des ventes privées que les clientes attendent patiemment pour acquérir une nouvelle pièce. Elles parviennent à créer de véritables rendez-vous avec des consommatrices fidèles. La montée en gamme de Kookaï peine à convaincre. La marque se trouve prise en étaux entre l’efficacité stratégique de SMCP et les géants de la mode accessible européen que sont Inditex et H&M.
En 2015, les résultats annoncés sont alarmants. Les dirigeants historiques ne font plus partie des effectifs depuis longtemps. L’originalité créative des collections et des campagnes publicitaires semblent un lointain souvenir.
Dans la mode comme dans tous les secteurs, la bataille de la fidélisation du consommateur est un levier de consolidation des résultats essentiels. Dans la mode plus que dans les autres secteurs, il est extrêmement difficile de (re)conquérir un client déçu.L’image de marque historique qui avait séduit les consommateurs reposait sur la cohérence du niveau de mode et du prix. La première montée en gamme au début des années 2000.10 ans plus tard, la perception de la marque a changé et on considère
Trop cher pour ce que c’est!
Le trafic et le taux de conversion sont en baisse. Les changements successifs à la direction du groupe Vivarte et à la direction de la marque sont des indicateurs de la fébrilité du secteur et des challenges d’une relance impossible.Impossible de proposer une vision de long terme. En 2017, Vivarte poursuit la mise en oeuvre de son plan de restructuration et cherche un acquéreur pour Kookaï. La marque est achetée par son licencier australien.
Sur le papier, ce coup stratégique semble être une superbe opportunité de relance pour la marque qui enregistre de bons résultats en Australie et en Nouvelle- Zélande. Le parc de magasins est réduit à moins de 200 magasins en 2018.Dettes et contre performance auront raison de l’aura de Kookaï qui sera placée en redressement judiciaire en février 2023.
Dettes et contre performance auront raison de l’aura de Kookaï qui sera placée en redressement judiciaire en février 2023. C’est l’offre de reprise de Samy Cohen, le propriétaire des marques Antonnelle et Un jour ailleurs qui est retenue par le juge
- 16 boutiques
- 70 corners
- 70 postes
- 100 postes supprimés
- 15 boutiques fermées
Tous les espoirs sont permis pour la relance de Kookaï
Conclusion
L’histoire de Kookaï, riche en rebondissements, reflète les défis et les évolutions du secteur de la mode. Du succès initial à la montée en gamme délicate, l’enseigne a traversé des périodes de gloire et d’interrogations. L’industrie de la mode, exigeante et changeante, demande une adaptation constante.
Aujourd’hui, alors que Kookaï émerge d’une phase de redressement judiciaire, l’avenir reste à écrire. Au-delà des chiffres et des restructurations, c’est l’histoire d’une marque qui continue de se réinventer, de séduire, et de défier les normes de la mode. Nous sommes témoins de la persévérance d’une enseigne emblématique, prête à réaffirmer sa place sur la scène de la mode.